From Ti Amo Issue
Le designer italien, à la tête du label éponyme, nous plonge dans son Bologne natal et sa vision subversive de la mode.
Entre émotions et langage, c’est là que Luca Magliano entend faire flotter les pièces qu’il conçoit. Depuis 2017, le créateur de Bologne distille une mode qui fait honneur à ses origines prolétaires et à l’excellence du savoir-faire italien. Un "Ti Amo" poisseux et envoûtant, à la manière dont il aime voir la ville qui l’inspire tant.

Ce numéro a pour thème Ti Amo. Et Bologne est la destinataire – et peut-être le contexte – de toutes vos créations. Qu’est ce que vous aimez dans cette ville ?
L.M. Je dirais qu’elle est charnelle au premier abord. Ce système médiéval d’arches en briques rouges vous fait sentir à l’intérieur de quelque chose d’organique, de vivant et de sexy. Bologne est la ville la plus audacieuse d’Italie et elle se fiche d’être belle. Elle est sale, elle est cassée et elle adore ça. Beaucoup aimeraient la voir différemment, mais elle revient toujours à son paradigme sensuel, enseignant une leçon de résistance et de liberté. C’est une ville qui sert les vivants comme les morts – en fait, les fantômes du passé l’infestent : les vivants et les morts se rencontrent dans les rues la nuit et se réconfortent mutuellement.
Vous avez mis beaucoup de soin – une preuve d’amour – à produire des choses le plus localement possible. Pourquoi est-ce important pour vous ?
L.M. Le Made in Italy pour nous est un système d’entraide et de soutien mutuel. Je n’aurais rien pu produire sans le système de soutien entrepreneurial inconditionnel qui, dans mon cas, était composé uniquement de femmes. Pour moi, le Made in Italy, c’est la sororité.

Vous diriez qu’il est également de la responsabilité des créateurs contemporains de mettre en valeur le patrimoine et l’héritage du lieu où ils créent ?
L.M. Être bon dans son travail est émancipateur. Cela donne confiance en soi et contribue positivement à façonner une identité définie. Le savoir-faire est comme un héritage ; il faut toute une vie pour l’obtenir. Tous les créateurs célèbrent cette conversation intime avec les artisans. L’aspect le plus émouvant de la mode est cette mutation radicale qui regarde le nouveau, tout en s’accrochant à l’ancien.
C’est peut-être parce que la mode et les arts sont devenus plus interconnectés, mais il y a quelque chose d’hypnotique dans la manière de marcher de vos mannequins. Pouvez-vous expliquer comment cela est né et comment cela reflète l'esprit de la marque ?
L.M. Je détesterais penser que quiconque trouve cette marche performative. La mode et l’art devraient être aussi éloignés que possible. Les vêtements sont des contenants pour nous, humains, et parfois, pour raconter leur histoire, leur donner du sens, les exciter, il faut y associer ce qu’il y a d’humain en eux. Cette marche peut se lire à différents niveaux ; elle est pleine de brouillard, de crépuscule, de tension et d’une capacité féroce à rester en soi-même ; elle est fiévreuse.
Pour parler de Magliano, « tailoring » et « workwear » sont les termes les plus utilisés. Comment les percevez-vous ?
L.M. De la même manière que les serpents d’un double ouroboros se mêlent : ils se mangent le cul.
Translated for French
The Italian designer at the helm of his eponymous label takes us on a journey through his native Bologna and his subversive vision of fashion.
Between emotions and language is where Luca Magliano intends to make the pieces he designs for his label float. Since 2017, the designer from Bologna has been distilling a fashion that honors his proletarian origins and the excellence of Italian know-how. A sticky and captivating "Ti Amo", the way he likes to see the city that inspires him so much.
This issue has Ti Amo as a theme. And Bologna is the recipient - and maybe context - of all your creations. What do you love about it?
L.M. I would say it’s carnal at first glance. That medieval system of redbricked arches makes you feel inside something organic and alive, sexy and incubating. Bologna is the cuntiest city in Italy, and she couldn’t care less about being beautiful. It’s dirty, it’s broken, and she loves it. Many would like to see it differently, but she always reverts to its sensual paradigm, teaching a lesson of resistance and freedom. It’s a city that serves the living just like the dead - in fact, ghosts of the past infest it: the living and the dead meet in the streets at night and comfort each other.
One aspect that is very key to Magliano is the production process. You have put much care - another proof of love - into producing things as locally as possible. Could you detail it and tell us if it impacted your creative process?
L.M. Made in Italy, for us, is a system of mutual help and support. I could not have produced anything without the unconditional entrepreneurial support system that, in my case, happened to be made up entirely of women: Made in Italy means sisterhood to me.

Do you feel it’s also the responsibility of contemporary designers to highlight the patrimony and heritage - in terms of know - how - of the place they are creating from?
L.M. Being good at your job is emancipating. It makes you confident and contributes positively to crafting a defined identity. Knowledge is like a legacy; it takes a lifetime to achieve it. All designers celebrate that intimate conversation with the makers of things. The most moving aspect of fashion is this radical transformation that embraces the new while still holding on to the old.
Maybe it’s because fashion and the arts have become more interconnected, but there’s something hypnotic about the “Magliano’s Walk”. Can you explain how it came about, what it conveys, and how it reflects the brand’s ethos?
L.M. I would hate to think that anyone finds this walk performative. Fashion and art should be as far apart as possible. Clothes are containers for us humans, and sometimes, to tell their story, to provide them with meaning, to turn them on, it’s necessary to involve what is human about them. That walk can be interpreted with different layers of meaning. It’s full of fog, flatland, twilight, the tension of cruising, and a fierce ability to stay within oneself; it’s feverish.
When discussing the brand, “tailoring” and “workwear” are the most used terms. How do you relate to them?
L.M. The same way the snakes of a double ouroboros relate to one another: eating each other’s ass.